06mai 2025
Gouverner le système énergétique par les besoins – Une note de l’Institut La Boétie pour planifier la bifurcation écologique
Face au chaos climatique, à l’épuisement des ressources fossiles et aux inégalités croissantes, une évidence s’impose : il faut sortir du modèle actuel. Cette note, rédigée par un collectif d’ingénieur·es et d’expert·es coordonné par Jean-Baptiste Grenier, et publiée par l’Institut La Boétie propose une boussole claire : planifier la transition énergétique à partir des besoins de la population, et non selon les logiques de marché.
Elle part d’un constat sans appel : malgré les beaux discours, les gouvernements successifs ont échoué à engager une véritable bifurcation écologique. Les énergies fossiles représentent encore deux tiers de l’énergie consommée en France. La loi de programmation sur l’énergie et le climat, pourtant obligatoire, a été abandonnée. Et les émissions importées – c’est-à-dire celles liées à notre consommation mais produites à l’étranger – restent un angle mort des politiques publiques.
Mais au-delà du constat, la note propose une méthode et des solutions concrètes pour sortir de l’impasse.
Une méthode : planifier à partir des besoins
Loin d’un techno-solutionnisme ou d’une fuite en avant dans la croissance verte, la note propose une rupture claire : repartir des besoins réels de la population pour définir une cible de consommation énergétique soutenable à horizon 2050. Ce travail implique deux questions centrales :
- Jusqu’où peut-on et doit-on aller dans la sobriété énergétique ?
- Jusqu’où veut-on réindustrialiser le pays, et dans quels secteurs ?
Des leviers concrets pour une sobriété choisie et juste
Plutôt que de laisser le marché décider de qui a accès à l’énergie, la note propose des leviers d’action puissants et concrets :
- Réduire les usages superflus ou ostentatoires, en interdisant certains équipements de luxe énergivores (jets privés, yachts géants, 6G…) ;
- Mettre en place des tarifications progressives, où les premières quantités d’énergie sont gratuites ou peu chères, et où les gros consommateurs paient plus ;
- Développer la mutualisation et le partage : covoiturage, équipements collectifs, habitat partagé ;
- Réduire les constructions neuves inutiles, au profit de la rénovation thermique massive ;
- Encourager la société de la réparation et du réemploi pour en finir avec l’obsolescence programmée ;
- Changer notre alimentation, en réduisant fortement la consommation de viande pour diminuer l’empreinte carbone de l’agriculture.
Autant de leviers qui peuvent être activés sans attendre, dans un cadre démocratique et équitable.
Une stratégie cohérente de sortie des énergies fossiles
La note identifie cinq grands chantiers pour réussir la bifurcation énergétique :
1. Définir une cible de consommation d’énergie finale à atteindre à horizon 2050 compatible avec la règle verte et les engagements climatiques ;
2. Sortir du tout-pétrole, notamment dans les transports, via la relocalisation, les mobilités douces, le fret ferroviaire et les véhicules collectifs ;
3. Sortir du tout-gaz, en développant massivement la chaleur renouvelable, la géothermie et les réseaux de chaleur ;
4. Choisir un mix électrique soutenable, en évaluant les options disponibles sans céder à l’illusion du tout-nucléaire ni du tout-intermittent ;
5. Remettre la biomasse et la gestion des sols au cœur de la stratégie, pour penser l’articulation entre énergie, agriculture et forêt.
Une ambition pour la gauche de rupture
Ce travail vise à mettre la planification énergétique au service de la justice sociale, de la démocratie et de la souveraineté populaire. La transition ne se fera pas sans confrontation avec les logiques néolibérales et capitalistes. Elle exige de rompre avec la religion de la croissance, de revaloriser le travail, de sécuriser les parcours de vie, et de reprendre la main sur les choix collectifs. C’est un défi immense, mais il est à notre portée si nous savons planifier avec le peuple, pour le peuple.
Note à retrouver ici