Arnaud Le Gall

17décembre 2025

Intervention en commission des Affaires étrangères : PPRE visant à condamner la dérive illibérale et autoritaire du gouvernement géorgien

Intervention en commission des Affaires étrangères : PPRE visant à condamner la dérive illibérale et autoritaire du gouvernement géorgien et à réaffirmer notre soutien au destin européen de la Géorgie

17 décembre 2025 – rapporteur Constance Le Grip (Ensemble, ex-LR)

Nous aurions évidement voté pour une résolution dénonçant les attaques contre les droits fondamentaux en Géorgie, quels que soient les auteurs de ces attaques. Mais cela n’est pas l’objectif de la présente résolution. Elle vise à affirmer, de manière quasiment mystique, le « destin européen » de la Géorgie.

Cela pose plusieurs problèmes. D’abord cette adhésion ne va pas de soi. Indépendamment de la question du respect des droits fondamentaux, la Géorgie ne répond à peu près à aucun des critères. Cette adhésion comporterait en outre des risques géopolitiques graves. Nous restons pour notre part opposé au principe de toute adhésion nouvelle au sein de l’Union européenne tant que celle-ci sera non pas un espace de solidarité, mais un espace de compétition entre nations et à l’intérieur des nations. Ce qui fait par ailleurs d’elle un ectoplasme géopolitique structurellement inféodé à des Etats-Unis de plus en plus maltraitants, incapables d’une stratégie cohérente répondant aux défis posés par la bifurcation de la mondialisation.

Ensuite, cette résolution fait comme s’il allait de soi qu’avoir un destin européen garantirait contre l’absence de restrictions à la liberté d’expression et de manifestation, ou l’absence d’usage « disproportionné de la force contre les manifestants pacifiques ». De nombreux exemples nourrissent notre désaccord avec ce postulat. Plusieurs organismes internationaux de référence déplorent une érosion des libertés publiques en Europe, et notamment en France par les autorités que vous soutenez politiquement. Dois-je rappeler les conditions dans lesquelles les gilets jaunes ont été physiquement réprimés il n’y a pas si longtemps, avec une violence telle que l’ONU l’a dénoncée ? Quid des violences policières structurelles dans notre pays ? Dois-je rappeler que ces pratiques continuent ?

S’agissant de la situation extérieure cette résolution a aussi l’indignation sélective. L’Union européenne est incapable de suspendre l’accord d’association avec Israël pour empêcher le génocide à Gaza. Elle n’a eu aucun problème à signer avec le régime de Kaïs Saeid en Tunisie un accord de la honte, sur fond de répression des migrants abandonnés à leur sort dans le désert. Au moment même où il liquidait les unes après les autres les conquêtes de la révolution tunisienne.

Sur la Géorgie elle-même la résolution est bien sélective. Pourquoi ne pas interroger le fait qu’avec l’aval, si ce n’est sur instruction, de l’Élysée une délégation militaire et industrielle s’est rendue en novembre dans ce pays pour prospecter de potentielles ventes d’armes malgré la nature du régime géorgien que vous dénoncez ? Êtes-vous d’accord avec les décisions du camp présidentiel que vous soutenez ? La résolution pointe le rôle trouble du milliardaire, par ailleurs devenu pro-poutine, Bidzina Ivanishvili, dirigeant occulte de la Géorgie. Vous invitez le gouvernement à dénoncer ce rôle, et à envisager le retrait de la Légion d’honneur qui lui a été octroyée. Mais pourquoi ne pas préciser que cette légion d’honneur lui a été octroyée sous la présidence d’Emmanuel Macron ? A une époque où Ivanischvili était déjà loin d’être un porte étendard de la démocratie, ce qu’il n’a d’ailleurs jamais été. Vous pourriez aussi préciser que cet oligarque a reçu la nationalité française sous la présidence de Nicolas Sarkozy, là aussi dans des circonstances qu’il faudrait éclairer, avant d’y renoncer pour devenir premier ministre de son pays de 2012 à 2013. Vous auriez pu préciser qu’il avait également financé, avant de se brouiller avec lui, la campagne de l’ancien président Sakaachvili. Président dont vous dénoncez les conditions d’incarcération, car en effet, il doit voir ses droits reconnus y compris en tant que condamné. Mai est-ce parce qu’il était proche non pas des russes cette fois, mais des néoconservateurs étasuniens et de leurs affidés européens, que vous n’évoquez jamais son bilan également sombre pour les droits fondamentaux des géorgiens ? Je rappelle qu’il a, en 2007, violemment réprimé les mobilisations pacifiques contre son régime. En définitive c’est lui qui a mis en place le capitalisme cleptocratique dont les acteurs dominants sévissent encore sur le dos du peuple georgien.

Il y a trop de non-dit et d’indignations sélectives. La ficelle est trop grosse. La défense des droits des géorgiens n’est ici qu’une excuse pour défendre un agenda géopolitique dans lequel nous ne nous reconnaissons pas. Nous voterons contre cette proposition de résolution.